LES BIOPLASTIQUES, « UNE FAUSSE SOLUTION » ?
Huit millions de tonnes de déchets plastiques se déversent dans les océans chaque année, portant à 80 % la proportion des déchets marins issus de cette matière, estime le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Plusieurs pays africains tentent de lutter contre cette pollution en interdisant les omniprésents sacs plastiques. Au Gabon, ils ont été remplacés par des modèles oxodégradables... qui ne font pas non plus l'unanimité.
Par Nelly Guidici,
Sans Frontières, magazine de la Solidarité Internationale, Mars - Mai 2018
Huit millions de tonnes de déchets plastiques se déversent dans les océans chaque année, portant à 80 % la proportion des déchets marins issus de cette matière, estime le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Plusieurs pays africains tentent de lutter contre cette pollution en interdisant les omniprésents sacs plastiques. Au Gabon, ils ont été remplacés par des modèles oxodégradables... qui ne font pas non plus l'unanimité.
Par Nelly Guidici,
Sans Frontières, magazine de la Solidarité Internationale, Mars - Mai 2018
ENVIRONNEMENT
En 2005, trois ans avant que le Rwanda ne devienne le
premier pays du continent à interdire l'utilisation, la fabrication et
l'importation de sacs plastiques, H2O Gabon voyait le jour dans la ville
côtière de Port-Gentil. Par ses représentations auprès des maires de
Port-Gentil et de Libreville — la capitale —, l'ONG a ensuite joué un rôle
central dans la mise en place de la loi interdisant « l'usage et l'importation
de sachets plastiques non recyclables » à partir du 1er juillet 2010.
Son président, Henri Michel Auguste, se montre toutefois
critique. « Les autorités ne sont pas allées jusqu'au bout de notre
raisonnement, déplore-t-il. Nous avions souhaité que notre pays passe aux sacs
biodégradables et compostables, et non aux oxodégradables, qui sont une hérésie
écologique. »
En effet, le gouvernement a choisi comme substitut «
écologique » un type de plastique auquel est ajouté un additif qui attaque sa
chaîne moléculaire, et en accélère donc la fragmentation. « Le fractionnement
des sacs, de macroparticules à microparticules, est un danger pour notre santé,
fait valoir M. Auguste. Avec le vent, ces microparticules deviennent volatiles,
et respirer du plastique n'est pas bon pour l'être humain. Dans cette matière
que l'on appelle "oxo", il n'y a pas de biodégradabilité. »
La position d'H2O Gabon rejoint en partie celles d'ONG
européennes qui voient les bioplastiques comme « une fausse solution », dont
Surfrider Foundation Europe. Pour Diane Beaumenay, chargée de mission déchets
aquatiques au sein de cette association de protection et de mise en valeur des
lacs, rivières et océans, des informations trompeuses sont diffusées à leur
sujet. « Les soi-disant "bioplastiques" contiennent 30 % d'éléments
biosourcés et 70 % d'éléments chimiques issus du pétrole, déclare-t-elle.
Résultat : on trompe le consommateur, qui croit être
vertueux et ne se doute pas que le sac biodégradable qu'on lui propose va
polluer l'environnement. » Selon Mme Beaumenay, il n'y a pas à l'heure actuelle
sur le marché de plastiques biosourcés à 100 %, et donc biodégradables.
Parce qu'elle souhaite l'apparition d'alternatives, H2O
Gabon appuie les initiatives de fabrication de sacs à partir de fibres
naturelles et produites localement. « C'est vrai que nous soutenons les
bioplastiques, mais il en existe plusieurs types, nuance ainsi M. Auguste. Nous
nous intéressons davantage à ceux issus des fibres de bananes plantains,
d'ignames et de manioc, dont le Gabon est producteur et dont les déchets sont
peu utilisés pour faire du compost. »
Pendant ce temps, en Europe
L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la
mer a annoncé en janvier dernier que la mer Méditerranée est l'une des plus
touchées par la pollution plastique : 730 tonnes de plastique y seraient
déversées quotidiennement. Cette donnée était au cœur de l'atelier Polymères et
Océans qui s'est tenu à l'Université de Montpellier. Des scientifiques
francophones de différents domaines travaillant sur la question de la
dégradation des polymères en milieu aquatique y ont exploré des solutions
pluridisciplinaires pour faire face à l'invasion de matières plastiques.
De son côté, le Service communautaire d'information sur la
recherche et le développement de la Commission européenne (CORDIS) finance plusieurs
initiatives liées au bioplastique, tel le projet Biopack. Ce nouveau concept
d'emballage alimentaire a pour but d'étudier la possibilité d'utiliser des
bioplastiques afin d'élaborer un emballage de meilleure qualité pour les
fromages.
La pétrolière Total s'est également lancée dans le marché du
bioplastique en 2016 en s'associant à l'entreprise néerlandaise Corbion dans le
but de produire annuellement 75 000 tonnes de polymères à base d'acide
polylactique (PLA). Fabriqué à partir de matières premières — le sucre ou
l'amidon — le PLA « est l'un des premiers polymères renouvelables et
biodégradables », selon ses manufacturiers. Leur unité de production implantée
à Rayong, en Thaïlande, devrait démarrer au second semestre de cette année.
TRANSFORMER LA CULTURE DU TOUT JETABLE
Une autre grande préoccupation des ONG est que les matériaux
présentés comme des bioplastiques posent les mêmes problèmes que les plastiques
conventionnels : de nombreuses années peuvent s'écouler avant leur disparition
complète. Comme le milieu aquatique est l'environnement le moins propice à la
décomposition des sacs qui se révèlent biodégradables dans des composteurs
industriels, les animaux marins disposent de tout le temps nécessaire pour les
confondre avec de la nourriture, explique Mme Beaumenay. Sans compter que les
microplastiques agissent comme des éponges en absorbant d'autres composants
chimiques déjà présents dans l'eau.
« Mais le problème principal du bioplastique est qu'il
continue de promouvoir la culture et la société du tout jetable »,
conclut-elle. Le PNUE estime d'ailleurs que si la production de plastique dans
le monde se poursuit à ce rythme, 33 milliards de tonnes seront produites en
2050, contre 300 millions de tonnes en 2014. C'est pourquoi le programme
onusien a récemment lancé sa campagne Océans propres. Dans une vidéo
humoristique diffusée pour la St-Valentin, le PNUE invite les consommateurs à «
rompre leur relation toxique » avec les plastiques à usage unique.
De son côté, H2O Gabon appelle à privilégier les contenants
réutilisables. « Nous cherchons surtout à réduire l'usage des sacs plastiques
en utilisant le plus possible des sacs réutilisables en tissu ou des paniers en
osier, une matière première que l'on trouve dans notre pays. Cela permet aussi
de maîtriser un artisanat en disparition », précise M. Auguste.
« Mais le problème principal du bioplastique est qu'il
continue de promouvoir la culture et la société du tout jetable »
- Henri Michel Auguste, président de H2O Gabon
SANS FRONTIERES, MARS – MAI 2018
SANS FRONTIERES, MARS – MAI 2018
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