Interview réalisée par Monsieur Dany KOULE TOLLE par téléphone pour la radio FM « La Voix de NDOLA », auprès de Monsieur Henri, Michel AUGUSTE, Président de l’ONG H2O GABON à Port-Gentil.
La planète célèbre la Journée Internationale de la
Conservation des Ecosystèmes le 26 Juillet 2020, depuis 5 ans. L’accent est mis
cette année sur la Protection et la Valorisation des Mangroves. Concernant le
Gabon, les Ecosystèmes côtiers du GABON subissent de vastes pressions,
destructions à des fins immobilières et autres...
Dany KOULE TOLLE :
Monsieur Henri, Michel AUGUSTE, vous êtes le Président de
l’ONG H2O GABON, vous êtes à Port-Gentil. Pour votre ONG, qu’elle
est l’intérêt de protéger et de valoriser les Mangroves ?
Henri Michel AUGUSTE :
Je vais vous dire que ce n’est pas l’intérêt mais les
intérêts de protéger et de valoriser les mangroves, je ne sais pas si vous avez
vu sur la page Facebook de H2O GABON, le post à ce sujet du
26/07/2020, dont voici le lien (https://www.facebook.com/1271037369674343/posts/3002894136488649/), où l’on voit l’intérêt de protéger
la Mangrove pour combattre efficacement l’érosion côtière, ça c’est l’un des aspects
intéressant. Un autre aspect, la Mangrove joue le rôle de filtre pour les
rivières et les fleuves qui se jettent dans l’Océan, en bloquant dans les
méandres de ces racines les alluvions (la boue), les matières organiques
transportées, etc, par ces derniers. Ce qui a pour conséquence de rendre plus
claire les eaux à la sortie des Mangroves. Les alluvions et les déchets
organiques ainsi bloqués, servent de substrat fertile pour le développement de
la Mangrove, ainsi que de réservoir pour la Biodiversité, encore un autre aspect,
il vous faut savoir que la Mangrove est un des écosystèmes le plus riche à
l’hectare. Je m’explique, d’abord c’est lieu où les poissons et les oiseaux
viennent pondre leurs œufs, ainsi qu’une zone d’alevinage, de nourrissage des
alevins et des sub-adultes, dû à la forte présence de phytoplancton, de
zooplancton. Vous y trouverez également de nombreuses espèces de crustacés et de coquillages, qui
permettent une petite activité commerciale pour les riverains et autres, qui
pour ces derniers est un moyen de vivre de cette activité de pêche, souvent
réservée aux femmes. Puis une fois la barrière formée par la Mangrove vous
trouverez tous les types de poissons qu’ils soient végétariens ou carnassiers. Voilà,
en général les différents points essentiels que l’on peut relever et dire pour
la Préservation des Mangroves. Attention, donc préservons et restaurons les
Mangroves, c’est dans notre intérêt et pour notre plus grand bénéfice, ainsi
que pour les générations futures. Il vous faut savoir que c’est l’un des écosystèmes
les plus impactés par l’homme depuis de nombreuses décennies car pendant les
siècles passés, la Mangrove était considérée comme un milieu insalubre et
infesté par des maladies mortelles pour l’homme.
D.K.T :
Nous avons constaté que les rivières qui se bouchent
peuvent avoir des conséquences sur l’habitat de l’homme, qu’en
pensez-vous ?
H. M. A. :
Bien souvent quand une rivière se bouche, d’une part c’est
un phénomène naturel et d’autre part très souvent cyclique, mais de nos jours
c’est aussi une conséquence de la modification par l’homme du milieu. Quand le
cycle est naturel et non perturbé par l’homme, le niveau va augmenter jusqu’à
ce que la pression de la rivière soit trop importante, la bande de terre qui
obstruée son passage finit par céder et cela se produit en général à marée
descendante ou basse. C’est très rare que ce phénomène soit un effet définitif.
D.K.T :
Au niveau de Port-Gentil, qu’elle est le rôle que vous
jouez surtout dans la protection et dans la lutte contre l’érosion avec la
municipalité ?
H. M. A. :
Nous avons un projet en préparation avec la Mairie de
Port-Gentil en vue de restaurer une Mangrove dans un des quartiers de la ville.
Cela, je pourrais vous en parler plus en avant et plus largement
quand les avancées seront significatives. Car vous savez
très bien que dans notre pays beaucoup de projets se terminent « En
éléphant blanc », évidemment ce
n’est pas le but que je poursuis pour ce dossier.
D.K.T :
Depuis au moins 3 décennies, le littoral de Port-Gentil
s’érode de plus en plus, la montée de l’Océan est flagrante, il y a également
la situation du quartier de Matanda, il se trouve que le constat est le même du
côté du Cap Lopez. Et là, est-ce que vous pensez pouvoir faire quelque chose
pour palier à ces urgences ?
H. M. A. :
Les urgences sont celles que l’on connaît tous, c’est
d’abord le Réchauffement Climatique qui provoque la montée des Océans, la
destruction des Mangroves ainsi que la modification du trait de côte à des fins
immobilières et industrielles, qui fait que nous nous trouvons face à cette
érosion galopante sur la ville de Port-Gentil et par extension sur l’île
Mandji. C’est vrai que le Changement Climatique, n’est pas dû fait du Gabon
mais de toutes les nations de la planète, avec une forte responsabilité des
pays les plus industrialisés. Concernant la montée des Océans, c’est une des
conséquences du Réchauffement Climatique, il se trouve que cette montée des
Océans se répercute tout autour de la planète avec des conséquences qui se font
déjà sentir dans les îles du Pacifique, par l’abandon de certaines îles
devenues inhabitables et de zones comme au Bengladesh, avec des déplacements de
population assez importants, voire de nouveaux réfugiés fuyants la montée des
eaux de leurs pays respectifs. Par contre pour le Gabon, la destruction des
Mangroves et les modifications du trait côtier pour des constructions
immobilières et industrielles, cela est entièrement de notre responsabilité
collective et individuelle. Et si on ne fait rien cette érosion va se
poursuivre de plus en plus vite, il nous faut comprendre que Port-Gentil et
l’île Mandji sont voués à disparaître progressivement pour l’estimation la plus
pessimiste de 25 à 30 ans, pour l’estimation les plus optimistes environ 50 ans
(voir les différentes cartes que l’on trouve sur internet dont celle de National
Geographic), une grande partie de l’Île Mandji sera sous les eaux. Donc, il se
trouve que cela est de notre responsabilité collective, de se battre pour
protéger et restaurer les Mangroves afin de freiner la Montée des eaux trop
rapidement ainsi que d’interpeler nos politiques afin qu’ils s’entendent pour
travailler à juguler le Réchauffement Climatique au niveau des différents
Sommets de la Terre à venir. Malheureusement, dans toutes mes lectures, je ne
vois pas les Gouvernants des différentes Nations avoir la volonté
d’agir dans ce sens.
D.K.T :
Il y a quelques années le Gouvernement a lancé le projet
de zone franche de l’Île Mandji. Aujourd’hui, qu’elle est votre point de vue
sur ce projet ?
H. M. A. :
De ce projet, je peux me permettre d’en parler, car il se
trouve que j’ai été l’un des principaux acteurs opposés à ce dernier, à mes
yeux cette zone franche allait détruire une part importante de Mangrove et bouleverser
profondément le trait de côte ainsi que les fonds sous-marins. Malheureusement,
cela n’a pas empêché la destruction de plusieurs dizaines voire de plusieurs centaines
d’hectares de Mangrove, pour un projet qui est moribond voire stoppé et je
pense qu’il le restera ! Il y a suffisamment de zones franches qui ont
essaimé dans le Golfe de Guinée pour que l’Île Mandji en devienne une de plus.
Etant donné que la partie en eau profonde est déjà occupée par le terminal
pétrolier du Cap Lopez, donc par voie de conséquence cela voulait dire
d’importants travaux d’aménagements du trait de côte et des fonds sous-marins,
il aurait fallu creuser, draguer et effectuer des travaux d’entretien régulier
pour éviter au sable de redescendre dans la partie profonde, d’où un très gros
impact environnemental sur cette partie de l’Île Mandji. Voilà en quelques
phrases, pourquoi dès le départ je me suis opposé avec détermination voire
lucidité à ce projet couteux et inutile. Il se trouve que quelques temps plus
tard, j’ai été invité à une rencontre à Libreville avec le Directeur
Général d’OLAM, Monsieur Gagan GUPTA,
organisé sous l’égide de Monsieur Nicaise MOULOUMBI de l’Association Croissance
Saine Environnement, pour exposer les différents arguments de l’opposition de mon
ONG H2O GABON à ce projet de zone franche en présence de Monsieur
Alain ENGONE ONDO, Délégué H2O GABON pour la province de l’Estuaire.
Si ce projet s’était poursuivi, malgré mes arguments, j’étais monté avec un
dossier de projet de pôle vert pouvant utiliser la zone à moindre coût, que
j’ai pu lui exposer de vive voix lors de cette réunion qui s’est tenue dans les
locaux d’OLAM. Lien Pôle industriel Vert.
D.K.T :
A chaque saison des pluies, il y a ce problème récurrent
d’inondations de nombreuses zones de la ville de Port-Gentil. Qu’elles sont les
propositions et recommandations que vous pourriez faire à la Mairie ?
H. M. A. :
Il faut impérativement récurer les caniveaux, les canaux
régulièrement et non comme trop souvent une fois par an, voir jamais pour les
canaux. Ensuite, il faudrait faire des campagnes de sensibilisation auprès de
la population pour éviter de prendre les caniveaux et les canaux pour des poubelles.
La proposition que je souhaiterai faire concernant la saison des pluies afin de
ne pas engorger les canaux, auprès de la mairie serait d’envisager un système
de récupération des eaux de pluies par
pompage dans les caniveaux, puis enfin un stockage à l’extérieur de
Port-Gentil. A marée basse cette eau de pluie serait évacuée dans l’océan après
un filtrage et une dépollution de ces eaux chargées en pollution diverses et
variées. Ce serait la solution idéale mais temporaire, sachant que cette
solution demande des financements et une réelle volonté de régler ce problème récurrent
qui ne fera que s’amplifier au fil des années qui passent. Sachant que cela est
une solution temporaire, que Port-Gentil et l’Île Mandji seront en grande
partie sous les eaux tôt ou tard comme je le disais tout à l’heure. Il serait
temps de créer une Commission en vue de réfléchir au problème de la Montée des
eaux océaniques et des inondations, en vue de prendre la seule solution idoine
et pérenne, envisager le déménagement de Port-Gentil vers l’intérieur des
terres. Mais la première décision serait de protéger et restaurer les Mangroves
afin de freiner cette montée des eaux, puis de régler temporairement le problème
des inondations. Car temps que les Nations n’auront pas pris la bonne décision
afin de régler le Réchauffement Climatique, le niveau des Océans ne fera que
monter malheureusement. D’ailleurs d’après les cartes mondiales de la montée
des Océans, les traits de côte dans le monde devraient reculer de 2 à 10 Km
selon le relief d’ici 2050 selon les différents rapports du GIEC, organisme
international d’experts du climat qui suit cela et qui à chaque rapport revoit
à la hausse les différents paramètres chaque année, malheureusement... C’est à nous de
nous adapter à ces nouvelles conditions climatiques et de vie pour le bien de
l’espèce humaine.
Confère les
différentes cartes : https://www.nationalgeographic.fr/environnement/voici-quoi-ressemblerai-le-si-la-glace-continentale-venait-fondre et https://limportant.fr/infos-planete/56/278691
D.K.T :
Dans l’Article 64 du Code de L’Environnement au Gabon, on
interdit la construction et l’exploitation dans les milieux sensibles comme les
Mangroves, comme vous l’avez relevé d’ailleurs. Mais sur le terrain, la réalité
est alarmante que font les ONG’s « Vertes » à ce niveau ?
H. M. A. :
C’est vrai qu’ils existent des articles de lois dans le
Code de l’Environnement du Gabon, il y a le texte mais la réalité du terrain
nous prouve le contraire et ce n’est pas que le cas du Gabon, mais cela se
retrouve dans tous les pays du monde, pour notre plus grand malheur. Même si de
temps en temps, dans un pays une ONG finit par avoir gain de cause, cela est
trop ponctuel alors que cela devrait être la norme. Tant que les gouvernants
seront inféodés aux multinationales et aux lobbyistes de ces dernières, les
problèmes auront du mal à se résoudre. Pour que cela change, il faudrait que
les gouvernants ne soient plus dépendants de la pression qu’exercent sur eux les
Multinationales, qui font pour notre planète ce qu’elles veulent. Je pense que
pour notre bien à tous, il serait bon de créer un Tribunal International pour
la Protection de l’Environnement et de la Nature, sur le modèle de la C.P.I.,
c’est pour cela que nous n’avons pas le droit de baisser les bras pour l’avenir
de notre planète et des générations futures.
D.K.T :
Monsieur Henri, Michel AUGUSTE, le président de l’ONG H2O
GABON était l’invité du jour dans l’émission FOCUS de la radio de la Voix de la
DOLA.
H. M. A. :
Permettez-moi, de vous remercier pour m’avoir permis de
m’exprimer sur ce sujet d’actualité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenu(e) sur le site de H2OGabon (ONG).
Nous attendons vos commentaires.