Le Guatemala dit enfin adieu au pétrolier franco-britannique Perenco
Reporterre – le média de l’écologie
Par Mikaël Faujour
6 mars 2024 à 09h25
https://reporterre.net/Le-Guatemala-dit-enfin-adieu-au-petrolier-Perenco
Perenco au Guatemala, c’est
fini. La compagnie franco-britannique va
cesser d’exploiter le pétrole et de détruire l’environnement du pays : le
nouveau gouvernement de centre-gauche ne va pas renouveler son contrat.
C’est une des
premières décisions fortes du nouveau gouvernement du Guatemala, dirigé depuis
mi-janvier par Bernardo Arevalo (centre-gauche). Trois semaines après le début
de son mandat, le ministre de l’Énergie et des Mines a annoncé que le
contrat d’exploitation pétrolière de Perenco ne sera pas renouvelé. La décision
tranche avec l’histoire, cousue d’irrégularités, qu’a exposé une enquête de Reporterre,
de la compagnie franco-britannique au Guatemala. Celle-ci avait sans cesse été
soutenue par les autorités.
Ce pays de 14 millions
d’habitants peut dire adieu aux forages et torchères de cette major, et à leurs
corollaires : la destruction, depuis un quart de siècle, de la deuxième
plus grande zone humide d’Amérique latine et celle de la santé des habitants.
Un exemple ? Dans le nord du pays, près de forages du Campo Xan gérés par
l’entreprise, « 30 % des grossesses se terminent par un décès
à la naissance », s’alarmaient trois ONG en 2015 dans une
lettre au Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Lire aussi : Le pétrolier franco-britannique Perenco dévaste le Guatemala
Deuxième groupe pétrolier
français, Perenco a fait la fortune de la famille Perrodo (classée quinzième de
France par Challenges en 2022) grâce à une spécialité :
le rachat de puits considérés comme n’étant plus rentables afin d’en prolonger
l’exploitation. C’est en 1999 qu’il avait acheté la concession guatémaltèque,
qui courait jusqu’en 2010. À l’approche de son expiration, elle avait été
prolongée de quinze ans par le président Álvaro Colom (centre-gauche). Une
décision suspecte : trois ministres et le Conseil national des zones
protégées (Conap) s’y étaient opposés, et aucune étude d’impact environnemental
— pourtant obligatoire — n’avait été présentée.
Anciennes concessions
pétrolières de Perenco en Amazonie. DR
En outre, Perenco enfreint une
loi environnementale — comme dans bien des pays où il
opère — car le site d’exploitation se trouve au cœur du parc
national Laguna del Tigre, zone déclarée protégée en 1989 où sont interdites
les activités humaines, à plus forte raison industrielles.
Une énième prolongation
Cela n’a pas empêché le
président sortant, Alejandro Giammattei Falla (droite), un oligarque proche des
milieux d’affaires, de tenter de prolonger la concession une fois de plus. Il
fallait pour cela modifier la loi des hydrocarbures, qui n’autorise qu’une
seule prorogation d’une durée de quinze ans – déjà accordée en 2010. Conçu pour
ne bénéficier qu’à l’entreprise, le texte proposé au Congrès par le parti
présidentiel a été aussitôt baptisé « loi Perenco » par
ses opposants.
Il proposait que les contrats
d’opérations pétrolières puissent être prolongés de vingt-cinq ans et sans
appel d’offres jusqu’à atteindre « la limite économique du
gisement ». C’est-à-dire le stade où « les coûts
récupérables », à savoir les investissements réalisés par l’entreprise
et remboursés par l’État, ne sont plus rentables.
Lire aussi : Au Guatemala, le pétrolier franco-britannique Perenco fait sa
loi
Approuvé par le Congrès lors
des deux premières lectures, le texte n’a pu faire l’objet d’une dernière
lecture. Le parti du président avait pourtant tenté de hâter le vote de la loi
avant le terme de la législature (en janvier 2024) – y compris en tentant
d’acheter des votes, comme l’ont dénoncé des députés de l’opposition.
Perte d’argent pour l’État
Avec le renouvellement du
Congrès et du président de la République, entrés en fonction en janvier 2024,
le vent a tourné. Ainsi, le président de la commission de l’Énergie et des
Mines et député du parti Vos (centre-gauche), Orlando Blanco, a-t-il signalé
que, depuis 2014, le contrat de Perenco engendre des pertes pour l’État : « L’activité
pétrolière de Perenco a généré 2,615 milliards de dollars (2,4
milliards d’euros) ; l’État a perçu 713 millions de dollars (657
millions d’euros) de redevances, mais a rendu à l’entreprise 896 millions de
dollars (826 millions d’euros) » en raison du dispositif de « coûts
récupérables ».
La fin des opérations de
Perenco est donc prévue au terme du contrat, soit le 12 août 2025. Une
table ronde réunira notamment le ministère de l’Environnement et des Ressources
naturelles et le Conap afin, a annoncé le ministre de l’Énergie et des Mines
Víctor Hugo Ventura, « d’analyser
les étapes à suivre, d’assurer que la transition soit adéquate et que soient
prises les mesures nécessaires dans le processus de fermeture ».
La multinationale, qui a
extrait plus de 90 millions de barils de pétrole des terres du pays, a commencé
dès juin 2023 à abandonner ses puits. À ce jour, 46 puits sur 59 sont encore
actifs.
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