Nous reproduisons ci-dessous cet excellent article scientifique, qui sera utile dans le cadre de nos contentieux avec les groupes TOTAL Gabon et PERENCO Gabon.
Ce que la pollution fait subir au corps humain
Publié le 12 mai 2021, 17:00.
Heidi.news
Lien d’origine : https://www.heidi.news/sciences/ce-que-la-pollution-de-l-environnement-fait-endurer-a-notre-corps
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par Giulia Bearth (Higgs) Katrin Schregenberger (Higgs)
Pixabay/Ralf Vetterle
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Cet article a été
initialement publié en allemand par notre partenaire éditorial Higgs.ch
L’eau, l’air, les sols, notre alimentation… les polluants
présents dans l’environnement peuvent pénétrer le corps humain de différentes
façons. Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont étudié huit circuits par
lesquels ces polluants nous affectent.
Pourquoi c’est
important. La
pollution de l’air, des sols et de l’eau provoque chaque année trois fois plus de morts que le sida, le paludisme et la
tuberculose confondus. Certains chercheurs attribuent même plus de
morts à la pollution qu’à la guerre. Chaque année, 4,2 millions de personnes meurent prématurément
dans le monde, et seulement à cause de la pollution aux particules fines. Les
personnes les plus touchées sont celles qui vivent dans des pays à
développement industriel rapide, où le niveau de salaire est encore bas.
Le règne de la chimie. De nombreuses substances
chimiques, en plus des particules fines, sont rejetées dans l’environnement.
Ces dernières 70 années, 140’000 nouvelles substances sont entrées sur le
marché, entre autres, des pesticides, d’après les chercheurs de la commission
du Lancet sur la pollution et la santé. Environ 5000 de ces produits
chimiques sont aujourd'hui largement répandus dans l'environnement.
Or, selon les chercheurs,
à peine la moitié de ces produits chimiques ont fait l'objet, avant leur
utilisation, d’une évaluation de toxicité adaptée. Les tests de sécurité
stricts n’ont été introduits qu'au cours de la dernière décennie et dans
quelques pays riches. Les effets et interactions biologiques de ces nouveaux
produits chimiques restent, de ce fait, encore largement méconnus.
Les défenses de
première ligne. Pour
se défendre, le corps humain dispose de plusieurs lignes de défense, de la barrière
physique à la réponse immunitaire. Or, le premier contact avec les substances
polluantes se fait par la peau, les poumons et les intestins. Ces organes
«barrières» déterminent ce que le corps absorbera ou non. Ces trois organes
possèdent, à l’interface avec le milieu extérieur (air, bol
intestinal, ndlr.), une couche plus imperméable, appelée épithélium. Les
cellules de l'épithélium sont étroitement liées et empêchent de nombreuses
substances de rentrer dans le corps.
D’après Martin Röösli,
professeur d’épidémiologie de l’environnement dans l’institut de médecine
tropicale et l’institut de santé publique de Bâle:
«Peu de substances toxiques passent la barrière de la peau. Les
poumons et l’intestin représentent une surface de contact plus grande que la peau,
mais l’épithélium de l’intestin forme une couche de protection épaisse.»
Restent les poumons.
L’épithélium respiratoire est plutôt fin, il est donc plus facile pour les
substances toxiques de pénétrer dans le sang. En particulier, les gaz et
les particules fines. «Plus la particule est fine, plus il est probable qu’elle
se retrouve dans la circulation sanguine», détaille l’épidémiologiste.
Mais même les toxiques
qui ne passent pas ces barrières peuvent poser problème. «Les polluants peuvent
s’accumuler dans les tissus », explique Martin Röösli. En outre, ces substances
peuvent endommager les tissus épithéliaux. Les particules fines, par exemple,
attaquent les cellules de nos voies respiratoires et peuvent donc entraîner des maladies respiratoires chroniques.
L’immunité en
deuxième ligne. Si
des polluants traversent la barrière épithéliale, une deuxième ligne de défense
est activée. Celle-ci est systémique: c’est le système immunitaire qui
s’active. Certaines substances sont dégradées et éliminées par les cellules
immunitaires, tandis que d'autres sont transportées vers d'autres parties du
corps, où elles peuvent aussi s'accumuler. Le plomb, par exemple, s'accumule
ainsi dans le foie et les reins, ainsi que dans les os, les dents et les
cheveux. Martin Röösli:
«Selon le polluant, il faut parfois des mois ou même des années
pour que ces substances soient éliminées, par exemple par les selles, l'urine
ou la toux.»
Dès que des substances
toxiques pénètrent dans notre corps, elles provoquent des réactions
indésirables. Les processus biologiques à l’œuvre (stress oxydatif) sont
analogues à ceux qui interviennent dans le vieillissement… Peut-on dire que la
pollution fait vieillir plus vite? «Oui», répond Martin Röösli:
«Ces polluants stimulent des processus biologiques qui sont les
mêmes que ceux du vieillissement, en accélérant cet effet.»
Un problème de
dose. On le sait
depuis Paracelse: c’est la dose qui fait le poison. Mais les seuils de
concentration où une substance devient toxique sont différents pour chaque
substance, et même inconnus pour beaucoup d’entre elles. Ces seuils dépendent
des propriétés de chacune.
Le plomb, par exemple,
présent dans notre environnement via les carburants, les pigments de peinture
et certaines activités industrielles, et s'y trouve encore aujourd'hui, est
très toxique même en petite quantité. En effet, ce métal lourd se lie très facilement
aux protéines, les matériaux de construction de base de l'organisme. En outre,
le plomb perturbe
la communication entre les neurones. En Suisse, la manipulation du plomb
est réglementée par différents textes législatifs afin d’encadrer et réduire
l’usage du plomb. Malgré cela, certains sols restent très fortement contaminés.
Huit voies
biologiques. Dans
cette nouvelle étude publiée dans la revue Cell, des spécialistes en santé environnementale ont
distingué huit types d’effets qu’ont des substances toxiques sur notre corps.
Ils se sont concentrés sur:
·
les
particules fines,
·
la
pollution par l'ozone,
·
les
métaux lourds
·
les
produits chimiques.
Ces réactions au stress
environnemental décrivent des processus cellulaires ou moléculaires qui
provoquent des maladies chroniques. Cela comprend aussi des pathologies comme
le cancer, des maladies des voies respiratoires, du métabolisme et des
pathologies cardiaques, et des atteintes du système nerveux.
Pour sélectionner ces
huit voies, les chercheurs se sont basés sur trois critères:
·
Il
fallait que l’effet biologique soit clairement déclenché par les polluants.
·
Il
fallait que l’effet des polluants ait été vérifié expérimentalement sur l’être
humain par des études.
·
Enfin,
il fallait aussi un lien connu entre les effets biologiques déclenchés et les
maladies chroniques considérées.
1 - Stress
oxydatif et inflammation
Dans notre corps, des
dérivés réactifs de l’oxygène (ROS en anglais) sont créés en permanence.
Lorsqu’ils sont produits en excès, cela provoque ce qu’on appelle le stress oxydatif.
Si notre corps y est soumis pendant une longue période, notre système
immunitaire entre en suractivité. Les cellules immunitaires enclenchent alors
des réactions d’inflammation capables de provoquer, entre autres, des maladies
chroniques.
Dans notre organisme, le
stress oxydatif peut être produit par plusieurs mécanismes. Tout d’abord,
lorsque nous vieillissons, certains processus métaboliques ne fonctionnent plus
correctement. Mais ces molécules sont aussi produites lorsque nous sommes
exposés à certains facteurs environnementaux, comme la pollution aux particules
fines.
2 - Mutations
génétiques
Les polluants peuvent
aussi être mutagènes, ce qui veut dire qu’ils altèrent notre patrimoine
génétique. Le nombre de mutations que subissent nos cellules chaque année
dépend de nos habitudes de vie, mais aussi de nos expositions
environnementales.
Passés 20 ou 30 ans, nous
avons déjà accumulé plusieurs centaines de mutations par cellules dans
l’œsophage, par exemple. A la soixantaine, ce
nombre monte à 2000. Si l’on consomme, par exemple, de l’eau chargé de
métaux lourds, ces mutagènes environnementaux peuvent altérer l’ADN de nos cellules.
Le corps répare au moins
partiellement certaines de ces modifications génétiques, mais elles peuvent persister
et s'accumuler au long de la vie. En effet, les réparations perdent en
efficacité avec l’âge. Plus les
mutations s'accumulent, plus il
est probable qu’un cancer, une maladie respiratoire, cardiovasculaire ou
neurologique puisse s’y développer.
3 -
Modifications épigénétiques
Au-delà des mutations
génétiques, notre environnement peut aussi moduler l’expression de nos gènes
sans altérer la séquence d’ADN: c’est ce qu’on appelle l’épigénétique. Si nous
sommes exposés à des niveaux élevés de pollution atmosphérique, à des métaux
tels que le cadmium et le nickel, et à d'autres produits chimiques nocifs, cela
entraîne des modifications de l’expression du génome, avec une
augmentation du risque face à certaines maladies. Ces mécanismes épigénétiques
peuvent également accélérer le processus de vieillissement. Pour rappel,
l’usage du cadmium et du nickel est encadré légalement en Suisse.
4 -Maladies
mitochondriales
Les mitochondries sont
les organites qui fournissent leur énergie à nos cellules. Elles sont très
sensibles au stress oxydatif. Si nous sommes exposés à des
particules fines ou à des métaux toxiques présents dans l'air, par exemple,
cela peut provoquer leur dysfonctionnement. Et lorsque nos mitochondries ne
fonctionnent plus correctement, nous sommes plus
susceptibles de développer des maladies chroniques et de vieillir plus
rapidement.
5-
Perturbateurs endocriniens
Les substances chimiques
classées comme perturbateurs endocriniens affectent
notre système hormonal. Elles peuvent se lier à nos récepteurs hormonaux et
stimuler ou bloquer leur activité. Par conséquent, ces substances affectent la
production, la sécrétion et le transport des hormones dans notre corps.
Les perturbateurs
endocriniens provoquent ainsi des troubles de notre système immunitaire,
accélèrent la dégradation des os, le vieillissement cognitif et la démence. En
outre, les polluants peuvent fortement influencer le développement fœtal.
Les chercheurs estiment
qu'il existe aujourd'hui sur le marché environ 1500 produits chimiques ayant
des effets sur notre équilibre hormonal. C’est deux fois plus que l’estimation de l’OMS il y a huit ans.
Un exemple bien connu de
perturbateur endocrinien est celui des substances chimiques produites de façon
industrielle telles que les polychlorobiphényles (PCB), extrêmement persistants
dans la nature. Ces derniers sont interdits en Suisse depuis 1986. Néanmoins,
des quantités importantes de PCB sont encore présentes dans l'environnement.
Le pesticide insecticide
organochloré, également connu sous le nom de DDT, fait également partie des substances
difficiles à décomposer et qui provoquent des perturbations dans notre système
hormonal. Il est également interdit.
6 -
Modification de la signalisation cellulaire
Pour communiquer entre
elles, nos cellules secrètent des signaux, dont des vésicules extracellulaires.
Elles voyagent à travers la circulation sanguine jusqu'aux différents tissus
pour transmettre des informations. Des produits chimiques nocifs, métaux lourds
ou bisphénol A, peuvent jouer sur ce mécanisme et perturber l'échange
d'informations. Mais la question de savoir si cet effet, dans le cas du bisphénol A par exemple, est inquiétant pour la santé,
fait toujours débat.
Lorsque nous entrons en
contact avec des particules fines et d'autres polluants atmosphériques, ces
signaux sont libérés en quantité dans la circulation sanguine, ce qui peut
déclencher de nouvelles réponses inflammatoires.
7- Modification
du microbiome
Le microbiome de nos
trois organes barrières est composé de bactéries, de champignons et d'autres
micro-organismes issus de notre environnement. Plus nous entrons en contact
avec ces microbes, plus notre microbiome se diversifie.
Cependant, les influences environnementales affectent
négativement notre microbiome. Un exemple? L'arsenic. Ce métal hautement
toxique a été médiatisé en Suisse en 2002, lorsque les niveaux d'arsenic dans
l'eau potable ont dépassé la valeur limite, en particulier dans les
cantons montagneux comme le Tessin, le Valais et les Grisons. Il s’agissait
d’arsenic d'origine naturelle. Mais si nous sommes exposés à de petites doses
de ce métal pendant une longue période, les conséquences sur notre microbiome
intestinal peuvent être considérables et favoriser des maladies chroniques.
8- Altération
du système nerveux
Les produits chimiques
comme le plomb, le méthylmercure et l'arsenic sont toxiques pour le développement du système nerveux de l'enfant. Mais les
substances sont également préoccupantes pour les adultes. Le méthylmercure, par
exemple, s'est révélé toxique lors d’essais in vitro pour
les cellules souches du cerveau et susceptible de modifier l'expression des
gènes. En Suisse, il y existe des sols qui sont contaminés par le mercure.
L’étude à la loupe
L’étude. Hallmarks of environmental insults
Le commentaire. Ces huit voies ne sont pas
exhaustives. La complexité des processus biochimiques ne peut être entièrement
prise en compte dans cette étude. Des recherches supplémentaires sont
nécessaires. En outre, pour de nombreuses substances, on ne sait pas exactement
à quelles concentrations elles posent réellement problème et, pour certaines,
on ne sait même pas si elles posent un problème. Cette étude met simplement en
évidence les différents modes d'action des substances toxiques dans
l'organisme.
Le niveau de
fiabilité. Relu
par les pairs.
Le type d'étude. Revue de littérature.
Le financement. Programme de recherche et
d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne, Fonds flamand pour la
recherche, Belgique, Institut national des sciences de la santé
environnementale, Institut national de la santé, États-Unis.
Traduit et adapté de
l’allemand par Dorothée Fraleux et Sarah Sermondadaz
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